Options de recherche
Page d’accueil Médias Notes explicatives Recherche et publications Statistiques Politique monétaire L’euro Paiements et marchés Carrières
Suggestions
Trier par

Vue d’ensemble

Même si la croissance économique a été meilleure que prévu au premier semestre 2022, grâce aux effets de la réouverture de l’économie et à un fort rebond du tourisme, la guerre en Ukraine continue d’avoir des conséquences économiques qui assombrissent les perspectives de l’économie de la zone euro tout en accentuant encore les tensions inflationnistes[1]. Les perturbations de l’approvisionnement en gaz naturel conjuguées à la montée en flèche des prix du gaz et de l’électricité ont accru l’incertitude, entamé sévèrement la confiance et entraîné des pertes croissantes de revenu réel qui devraient provoquer une stagnation de l’économie de la zone euro au deuxième semestre 2022 et au premier trimestre 2023. L’incertitude entourant les perspectives tant à court terme qu’à moyen terme reste très forte. Ces projections reposent sur les hypothèses selon lesquelles, d’une part, la demande de gaz sera atténuée par les prix élevés et les mesures préventives d’économie d’énergie (résultant du récent accord de l’Union européenne (UE) visant à réduire la demande de gaz de jusqu’à 15 %) et, d’autre part, aucun rationnement majeur du gaz ne sera nécessaire. Toutefois, des réductions de la production s’avéreront indispensables cet hiver dans les pays fortement dépendants des importations de gaz naturel russe et menacés de pénurie d’approvisionnement. Même si les goulets d’étranglement du côté de l’offre se sont récemment atténués un peu plus rapidement qu’anticipé, ils continuent de peser sur l’activité et ne devraient se dissiper que graduellement. À moyen terme, au fur et à mesure du rééquilibrage du marché de l’énergie, de la diminution de l’incertitude, de la résorption des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et de la progression des revenus réels, la croissance devrait rebondir, en dépit de conditions de financement moins favorables. Le marché du travail devrait s’affaiblir à la suite du ralentissement de l’activité économique, tout en demeurant globalement relativement résistant. Dans l’ensemble, la croissance annuelle moyenne du PIB en volume ressortirait à 3,1 % en 2022 et ralentirait sensiblement, à 0,9 %, en 2023, pour rebondir à 1,9 % en 2024. Par rapport aux projections de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème, les perspectives de croissance du PIB ont été révisées à la hausse de 0,3 point de pourcentage pour 2022, après quelques surprises positives au premier semestre, et revues en baisse de 1,2 point de pourcentage pour 2023 et de 0,2 point de pourcentage pour 2024, principalement en raison de l’incidence des perturbations de l’approvisionnement énergétique, de l’accélération de l’inflation et de la perte de confiance associée.

La poussée inflationniste perdure, du fait de nouveaux chocs importants sur l’offre, qui se répercutent sur les prix à la consommation plus rapidement qu’auparavant. La hausse de l’IPCH global devrait rester supérieure à 9 % sur le restant de l’année 2022 sous l’effet des prix extrêmement élevés de l’énergie et des matières premières alimentaires ainsi que des pressions haussières exercées par la réouverture de l’économie, les pénuries d’approvisionnement et les tensions sur les marchés du travail. Le recul attendu de l’inflation d’une moyenne de 8,1 % en 2022 à 5,5 % en 2023 et 2,3 % en 2024 refléterait essentiellement un net ralentissement de la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires résultant d’effets de base négatifs et de la baisse prévue des prix des matières premières, conformément aux prix des contrats à terme. La hausse de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires devrait se maintenir à des niveaux élevés sans précédent jusqu’à la mi‑2023 mais décélérer par la suite avec la diminution des effets de la réouverture de l’économie, la dissipation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et le relâchement des tensions sur les coûts des consommations intermédiaires énergétiques. L’inflation devrait rester supérieure à l’objectif de 2 % de la BCE en 2024 en raison des effets décalés du niveau élevé des prix de l’énergie sur les composantes hors énergie de l’inflation, de la récente dépréciation de l’euro, de la solidité des marchés du travail et de certains effets de compensation dus à l’inflation sur les salaires, qui devraient progresser à des taux largement supérieurs aux moyennes de long terme. Par rapport aux projections de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème, l’inflation a été revue à la hausse nettement pour 2022 (de 1,3 point de pourcentage) et 2023 (2,0 points de pourcentage) et légèrement pour 2024 (0,2 point de pourcentage), reflétant des données récentes non anticipées, des hausses spectaculaires dans les hypothèses relatives aux prix de gros du gaz et de l’électricité, une accélération de la hausse des salaires et la récente dépréciation de l’euro. Ces effets font plus que compenser l’incidence à la baisse de la récente diminution des prix des matières premières alimentaires, du caractère moins grave que prévu des goulets d’étranglement du côté de l’offre et de la détérioration des perspectives de croissance.

Tableau

Projections de croissance et d’inflation dans la zone euro

(variations annuelles en pourcentage)

Notes : Le PIB en volume est calculé à partir de données corrigées des variations saisonnières et du nombre de jours ouvrés. Les données rétrospectives peuvent différer des dernières publications d’Eurostat en raison de données publiées après la date d’arrêté des projections.

L’incertitude entourant les projections est particulièrement vive. En particulier, à court terme, l’évolution de l’inflation dépend considérablement de celle des prix des matières premières énergétiques, très volatils récemment, notamment concernant les prix de gros du gaz et de l’électricité. L’éventualité de perturbations plus graves de l’approvisionnement énergétique en Europe, conjuguées à une demande accrue de chauffage résultant d’un hiver vigoureux, constitue l’un des principaux risques pesant sur les perspectives pour la zone euro, qui entraînerait de nouvelles poussées des prix de l’énergie et des réductions de production plus prononcées qu’envisagé dans le scénario de référence. Un scénario baissier tenant compte de ces risques suggère que l’inflation s’établirait, en moyenne, à 8,4 % en 2022, à 6,9 % en 2023 et à 2,7 % en 2024. Le PIB en volume croîtrait de 2,8 % cette année et se contracterait de 0,9 % en 2023 avant de se redresser de 1,9 % en 2024. Ce scénario est décrit plus en détail dans l’encadré 3.

1 Économie réelle

Au premier semestre 2022, en dépit de la guerre en Ukraine, l’économie de la zone euro a enregistré une croissance robuste, bien supérieure au niveau ressortant des projections de juin 2022 des services de l’Eurosystème (cf. graphique 1). Au cours du premier trimestre, la croissance a été favorisée par une très forte contribution des exportations nettes découlant en partie de l’activité des entreprises multinationales en Irlande. Au deuxième trimestre, le secteur manufacturier a bénéficié d’un allègement des goulets d’étranglement au niveau de l’offre, tandis que la production de services a été stimulée par la levée des restrictions liées à la pandémie, qui a soutenu en particulier le segment à forte intensité de contacts du secteur des services, dont le tourisme.

Graphique 1

Croissance du PIB en volume de la zone euro

(variations trimestrielles en pourcentage ; données trimestrielles corrigées des variations saisonnières et du nombre de jours ouvrés)

Notes : les données rétrospectives peuvent différer des dernières publications d’Eurostat en raison de données publiées après la date d’arrêté des projections (cf. note de bas de page no 1). La ligne verticale indique le début de l’horizon de projection.

La croissance du PIB en volume devrait ralentir significativement au troisième trimestre de l’année, l’inflation pesant sur les revenus réels alors que l’incertitude et la hausse des taux d’intérêt freineraient les investissements. Une forte activité dans les secteurs du tourisme et des voyages, associée à un nouvel allègement des goulets d’étranglement du côté de l’offre, devrait soutenir la croissance au troisième trimestre. En revanche, les indicateurs tirés d’enquêtes tels que l’indice des directeurs d’achat font état d’une contraction des secteurs manufacturier et des services en août 2022. Le choc négatif exercé sur le revenu réel disponible par l’augmentation des prix devrait également peser sur l’activité. L’incertitude, en particulier en ce qui concerne les perturbations de l’approvisionnement en gaz (voir ci-après), combinée aux fortes hausses des taux débiteurs bancaires, entrave également l’activité économique. Globalement, au troisième trimestre, la croissance en glissement trimestriel devrait s’élever à 0,1 % (soit une révision à la baisse de 0,3 point de pourcentage par rapport aux projections de juin).

Les facteurs défavorables devraient continuer à s’accumuler et être renforcés, dans les prochains mois, par des perturbations de l’approvisionnement en gaz naturel. Aux fins de leur évaluation de l’incidence potentielle des perturbations du marché du gaz sur la production, les services de la BCE sont partis de l’hypothèse que les flux, qu’ils proviennent de Russie ou d’autres fournisseurs, demeureraient à leurs niveaux à la date d’arrêté pour les projections de septembre[2]. Du côté de la demande, les pays mettraient en œuvre l’accord – sur une base volontaire à ce jour – de l’UE visant à réduire le recours au gaz naturel jusqu’à 15 %[3] tandis que les conditions météorologiques l’hiver prochain seraient comparables à la moyenne des cinq dernières années. D’après les hypothèses retenues, les niveaux des stocks de gaz dans la zone euro seraient globalement légèrement inférieurs aux niveaux moyens de long terme, et nettement plus bas dans les pays les plus dépendants de l’approvisionnement en gaz russe, l’Allemagne notamment[4]. Les répercussions économiques seraient donc hétérogènes selon les pays avec, en Allemagne, des mesures préventives d’économie de gaz et des réductions de la production résultant de la forte incertitude, et, dans d’autres pays, des effets négatifs moindres, car les mesures prises pour affaiblir la demande y seraient plus limitées. En outre, la croissance économique dans l’ensemble des pays de la zone euro devrait diminuer en raison des prix extrêmement élevés du gaz, qui vont rendre certaines activités non rentables dans les secteurs les plus consommateurs de gaz, provoquant l’interruption de la production dans certains cas. Dans l’ensemble, le PIB en volume se contracterait de 0,1 % au dernier trimestre 2022 et stagnerait au premier trimestre 2023.

À plus long terme, la croissance se renforcerait après la dissipation des vents contraires entravant l’activité pendant l’hiver 2022-2023 ; cela étant, en 2024, le niveau du PIB devrait être inférieur à celui qui avait été anticipé dans les projections de juin 2022. L’amélioration attendue est fondée sur l’hypothèse que les perturbations de l’approvisionnement en gaz devraient cesser de contraindre l’activité avec le réchauffement des températures et l’introduction graduelle d’autres sources d’approvisionnement. La croissance du PIB en volume devrait rebondir au cours de l’année 2023 sous l’effet de différents facteurs : l’atténuation des pressions inflationnistes réduirait les tensions à la baisse sur le revenu réel disponible ; les goulets d’étranglement subsistant du côté de l’offre disparaîtraient ; la demande extérieure se redresserait ; et la compétitivité-prix à l’exportation s’améliorerait par rapport aux principaux partenaires commerciaux tels que les États-Unis. Les effets négatifs de la détérioration de la confiance et de l’incertitude accrue, qui renforcent les motifs de précaution à court terme, devraient également s’estomper à moyen terme. Après les vastes mesures de soutien mises en œuvre par les pouvoirs publics pendant la crise de coronavirus (COVID-19) et les mesures de relance prises en 2020–2021, l’augmentation attendue des investissements en 2022, grâce aux financements au titre du programme « Next Generation EU » (NGEU), et, plus récemment, les mesures de soutien accru concernant l’énergie et la guerre en Ukraine, les politiques budgétaires devraient avoir une incidence négative sur la croissance en 2023 lorsque certaines de ces initiatives prendront fin (cf. section 2)[5]. Dans l’ensemble, compte tenu de la dégradation des perspectives à court terme et du rebond seulement partiel attendu à moyen terme, le PIB en volume devrait rester inférieur à la trajectoire précédemment envisagée sur l’horizon de projection (cf. graphique 2).

Graphique 2

PIB en volume de la zone euro

(volumes chaînés, T4 2019 = 100)

Notes : les données sont corrigées des variations saisonnières et du nombre de jours ouvrés. Les données rétrospectives peuvent différer des dernières publications d’Eurostat en raison de données publiées après la date d’arrêté des projections. La ligne verticale indique le début de l’horizon de projection.

Tableau 1

Projections macroéconomiques pour la zone euro

(variations annuelles en pourcentage, sauf indication contraire)

Notes : les projections relatives au PIB en volume et à ses composantes, aux coûts unitaires de main-d’œuvre, à la rémunération par tête et à la productivité du travail sont basées sur des données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrés. Les données rétrospectives peuvent différer des dernières publications d’Eurostat en raison de données publiées après la date d’arrêté des projections.
1) Y compris les échanges commerciaux intra-zone euro.
2) Le sous-indice est basé sur des estimations de l’incidence réelle de la fiscalité indirecte. Il peut différer des données d’Eurostat, qui sont fondées sur une répercussion totale et immédiate des effets de la fiscalité indirecte sur l’IPCH.
3) Calculé comme le solde budgétaire, net des effets transitoires du cycle économique et des mesures considérées comme temporaires selon la définition du Système européen de banques centrales.
L’orientation des politiques budgétaires est mesurée par la variation du solde primaire ajusté du cycle, déduction faite du soutien des pouvoirs publics au secteur financier. Les chiffres indiqués sont également ajustés pour tenir compte des subventions attendues du programme NGEU du côté des recettes. Un chiffre négatif implique un assouplissement de l’orientation budgétaire.

S’agissant des composantes du PIB, la consommation privée ralentirait dans les prochains trimestres mais resterait un facteur-clé du rebond de l’activité à moyen terme. La consommation privée s’est redressée au second trimestre 2022 du fait de l’assouplissement des restrictions liées à la COVID-19, de la reprise des dépenses associées aux services nécessitant de nombreux contacts, notamment grâce à un début précoce et très dynamique de la saison touristique estivale. Les restrictions étant largement levées, les conséquences de la réouverture de l’économie sont peu susceptibles de continuer de soutenir la croissance de la consommation privée. La forte hausse des prix dissuade les consommateurs de dépenser et force en particulier les ménages à faibles revenus à réduire leurs flux d’épargne. À plus long terme, avec la décélération de l’inflation et la diminution de l’incertitude, la consommation privée se redresserait quelque peu mais progresserait légèrement plus lentement que le revenu réel.

Le niveau élevé de l’inflation entraînerait une contraction du revenu réel disponible en 2022 et 2023 en dépit de la résistance continue des marchés du travail et des revenus du travail associés. Même s’il est attendu que les marchés du travail montrent des signes de faiblesse dus au ralentissement escompté de l’activité économique, ils devraient demeurer globalement résilients, les ajustements attendus résultant pour certains d’une diminution des heures travaillées par personne employée et, dans une certaine mesure seulement, d’une hausse du chômage. Selon les estimations, le revenu réel disponible aurait baissé au premier semestre 2022, essentiellement sous l’effet de l’accélération de l’inflation mais aussi en raison d’une diminution des transferts budgétaires nets liée au retrait des mesures de soutien relatives à la COVID-19, qui serait toutefois partiellement compensé par les mesures compensatoires en matière énergétique. Le revenu réel disponible devrait continuer de se contracter jusqu’au premier trimestre 2023 avant de se redresser légèrement vers la fin de l’horizon de projection.

Le tassement du taux d’épargne des ménages devrait se poursuivre avec la baisse du revenu réel et revenir fin 2022 à son niveau d’avant la crise. Le taux d’épargne se redresserait quelque peu en 2024. Au premier semestre 2022, il aurait enregistré une chute plus nette qu’attendu, le comportement d’épargne des consommateurs s’étant normalisé avec l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie et l’épargne ayant contribué à amortir en partie le choc produit par les niveaux d’inflation exceptionnellement élevés. Un nouveau fléchissement du taux d’épargne est attendu au cours des prochains trimestres, en particulier parce que les ménages à revenus modestes dont les économies sont relativement limitées pourraient devoir réduire leurs flux d’épargne en vue de financer leur consommation de biens et services essentiels. Bien que bénéficiant des mesures budgétaires de soutien au revenu, ces ménages sont très exposés aux chocs de prix sur l’énergie et les produits alimentaires. Les ménages plus aisés et plus âgés pourraient avoir recours à l’épargne qu’ils ont accumulée pendant la pandémie[6] afin de lisser leur consommation dans un contexte d’inflation élevée, même si le pouvoir d’achat de cette épargne serait considérablement érodé par l’inflation, ce qui altérera progressivement leur rôle d’amortisseur. En 2024, au fur et à mesure du retour de l’inflation vers un niveau conforme à l’objectif, le taux d’épargne commencera à se redresser, tout en demeurant en deçà des niveaux d’avant la pandémie.

Encadré 1
Hypothèses techniques concernant les taux d’intérêt, les prix des matières premières et les cours de change

Par rapport aux projections de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème, les hypothèses techniques actuelles tablent sur une hausse des taux d’intérêt, un léger affaiblissement des cours du pétrole, une augmentation des prix de gros du gaz et de l’électricité et une dépréciation de l’euro. Les hypothèses techniques concernant les taux d’intérêt et les prix des matières premières sont fondées sur les anticipations des marchés et arrêtées au 22 août 2022. Les taux d’intérêt à court terme font référence à l’EURIBOR trois mois, les anticipations des marchés étant déduites des taux à terme. Selon cette méthodologie, les taux d’intérêt à court terme devraient s’élever, en moyenne, à 0,2 % en 2022, à 2,0 % en 2023 et à 2,1 % en 2024. Les anticipations des marchés relatives aux rendements nominaux des emprunts publics à dix ans dans la zone euro tablent sur un niveau moyen annuel de 1,6 % en 2022, augmentant progressivement sur l’horizon de projection, jusqu’à 2,2 % en 2024[7]. Par rapport aux projections de juin 2022, les anticipations des marchés en ce qui concerne les taux d’intérêt à court terme sont supérieures d’environ 20, 70 et 50 points de base pour 2022, 2023 et 2024, respectivement, du fait du resserrement attendu de la politique monétaire à l’échelle mondiale. Par conséquent, les rendements des obligations souveraines à long terme ont également été révisés à la hausse, d’environ 20 points de base sur l’ensemble de l’horizon de projection.

Les hypothèses techniques relatives aux cours du pétrole ont été révisées à la baisse en raison de l’affaiblissement de la demande et de l’augmentation de l’offre. L’UE a imposé un embargo partiel sur le pétrole brut et les produits pétroliers russes et a interdit l’assurance du transport maritime des exportations de pétrole en provenance de Russie, ces deux mesures entrant en vigueur d’ici la fin de l’année. Bien que les exportations de pétrole de la Russie vers les pays occidentaux aient reculé de 1,3 million de barils par jour en juillet comparé à la moyenne pour 2021, la Russie est parvenue jusqu’ici à dévier ces flux de pétrole en direction de l’Asie. D’autres réductions substantielles des flux de pétrole russe sont anticipées d’ici début 2023. À la date d’arrêté des projections, la tension haussière exercée sur les cours du pétrole par les risques liés à l’approvisionnement en pétrole russe avait largement été compensée, d’une part, par les hausses de la production mondiale de pétrole, la production de pétrole de l’OPEP+ étant désormais proche des niveaux d’avant la pandémie, et, d’autre part, par la diminution de la demande escomptée de pétrole en lien avec la détérioration des perspectives économiques mondiales. En conséquence, le prix du baril de pétrole brut Brent, sur la base des prix moyens des contrats à terme sur les trois jours ouvrés précédant la date d’arrêté, devrait revenir de 105,4 dollars en 2022 à 83,6 dollars en 2024.

Les prix de gros du gaz et de l’électricité continuent de monter en flèche tandis que les prix des matières premières alimentaires ont fléchi. Les tensions relatives à l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe se sont intensifiées depuis la fin juillet, lorsque Gazprom a abaissé ses flux passant par le gazoduc Nord Stream 1 à seulement 20 % de ses volumes habituels, réduisant les livraisons totales de gaz russe d’environ 80 %. Les efforts de l’UE pour remplacer le gaz russe en recourant aux marchés internationaux du gaz ainsi que les craintes d’une coupure complète des livraisons de gaz russe ont provoqué une flambée des prix du gaz, le prix du gaz sur le TTF néerlandais atteignant plus de 270 euros par mégawatt-heure (Mwh) à la mi-août. La courbe des contrats à terme sur le gaz s’est nettement déplacée vers le haut depuis les projections de juin (de 137 % pour le second semestre 2022, 191 % pour 2023 et 163 % pour 2024), mais reste en situation de déport (backwardation). Les prix des contrats à terme sur les marchés de gros de l’électricité, sur lesquels s’orientent les projections, ont également été substantiellement révisés à la hausse et signalent des niveaux de prix élevés persistants. Les effets d’hypothèses relatives aux prix de l’énergie différentes de celles des projections de référence sont pris en compte dans une analyse de sensibilité présentée dans l’encadré 4. Les quotas par tonne au titre du système d’échange de quotas d’émission de l’UE devraient, sur la base des prix des contrats à terme, ressortir à 87,0 euros en 2022, 93,9 euros en 2023 et 97,7 euros en 2024. Les prix, exprimés en dollars, des matières premières hors énergie devraient croître en 2022, avant de reculer en 2023 et 2024, et ont été revus à la baisse par rapport aux projections de juin 2022, sous l’effet en particulier d’une baisse des cours des matières premières alimentaires.

Les taux de change bilatéraux devraient rester stables sur l’horizon de projection, aux niveaux moyens relevés pendant les trois jours ouvrés précédant la date d’arrêté. Cette hypothèse implique un taux de change moyen de l’euro vis-à-vis du dollar de 1,05 en 2022 et de 1,01 en 2023 et 2024, soit environ 4 % de moins que dans les projections de juin 2022. L’hypothèse relative au taux de change effectif de l’euro suppose une dépréciation de 2 % par rapport aux projections de juin 2022.

Tableau

Hypothèses techniques

L’investissement dans l’immobilier résidentiel devrait légèrement se contracter du fait de la détérioration des conditions de financement et de la persistance de l’incertitude. Selon les estimations, l’investissement en logements se serait déjà resserré au deuxième trimestre 2022, la guerre menée par la Russie en Ukraine ayant exacerbé les pénuries de main-d’œuvre et de matières premières. À court terme, l’augmentation notable des taux hypothécaires et le maintien des incertitudes autour de l’énergie et de la guerre devraient peser sur l’investissement dans l’immobilier résidentiel et se traduire par un recul prolongé entre le second semestre 2022 et la fin 2023. La croissance de l’investissement dans le logement devrait être très modérée sur le reste de la période de projection, les conditions de financement continuant de se détériorer sous l’effet de la poursuite de la normalisation des taux d’intérêt, ce qui annulerait l’incidence des effets positifs du Q de Tobin[8] et de la hausse du revenu disponible.

L’investissement des entreprises s’étiolerait à court terme, freiné par l’augmentation des coûts de financement, la forte incertitude et les prix croissants de l’énergie, mais se redresserait au fur et à mesure de la dissipation des facteurs défavorables. Après des évolutions sous-jacentes positives ressortant des données disponibles pour le premier semestre 2022, les indicateurs tirés d’enquêtes tablent sur une stagnation, voire en baisse, de l’activité d’investissement au second semestre de l’année. Même si les enquêtes donnent toujours à penser que les fabricants de biens d’équipement font face à une demande relativement vive, les hausses actuelles des taux d’intérêt, l’incertitude suscitée par la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie ont entamé la confiance des chefs d’entreprise et réduit les anticipations d’activité dans le secteur des biens d’équipement. Ces facteurs ainsi que l’hypothèse de contraintes sur l’offre de gaz grèveront la croissance de l’investissement à court terme. L’investissement devrait repartir en hausse après l’hiver 2022-2023, à condition que les goulets d’étranglement du côté de l’offre et que les contraintes relatives à l’offre de gaz continuent de se dissiper et que l’incertitude diminue. À moyen terme, des effets positifs sur l’investissement privé sont attendus du programme NGEU, bien que sa mise en œuvre ait été différée de quelques trimestres pour certains pays. L’investissement sera également soutenu par les dépenses élevées en capital nécessitées par la décarbonation de l’économie européenne, y compris dans le contexte du processus de transition engagé face à la dépendance à l’approvisionnement en énergie russe (conformément à la proposition REPowerEU).

Encadré 2
L’environnement international

L’économie mondiale ralentit, car le niveau élevé de l’inflation, le durcissement des conditions financières et les facteurs défavorables qui subsistent au niveau de l’offre pèsent sur l’activité économique. La guerre en Ukraine a poussé les prix des matières premières énergétiques à la hausse et perturbé les chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales, alimentant les tensions inflationnistes à l’échelle mondiale et suscitant des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire mondiale. Tandis qu’un assouplissement continu, depuis le printemps, des restrictions liées à la pandémie dans les principales économies avancées a contribué à soutenir la consommation dans les secteurs des voyages et des services d’hébergement, des tensions inflationnistes exceptionnellement fortes, qui ont contraint les banques centrales à durcir leur politique monétaire, pèsent sur le revenu disponible et l’épargne accumulée pendant la pandémie.

Les perspectives de croissance mondiale sont plutôt moroses, le PIB mondial en volume (hors zone euro) devant progresser de 2,9 % en 2022, de 3,0 % en 2023 et de 3,4 % en 2024. Dans l’ensemble, l’économie mondiale devrait croître à un rythme légèrement inférieur à sa moyenne de long terme cette année et l’année prochaine, la croissance économique ralentissant dans les économies de marché avancées et émergentes. Par rapport aux projections de juin 2022, la croissance du PIB mondial en volume (hors zone euro) a été révisée à la baisse de 0,1 point de pourcentage pour 2022, de 0,4 point de pourcentage pour 2023 et de 0,2 point de pourcentage pour 2024. La détérioration des perspectives pour les États-Unis et la Chine explique l’essentiel des révisions à la baisse de la croissance sur l’horizon de projection. Au Royaume-Uni, la forte hausse des prix de l’énergie devrait peser fortement sur l’activité, qui devrait diminuer au tournant de l’année. Les révisions à la baisse de la croissance pour cette année sont en partie compensées par une récession légèrement plus modérée que prévu en Russie, qui s’est avérée jusqu’à présent plus résistante aux sanctions économiques, et par une activité plus forte que prévu dans certaines grandes économies de marché émergentes, telles que le Brésil, le Mexique et la Turquie.

En phase avec la croissance mondiale, les perspectives relatives au commerce international se sont également détériorées. L’affaiblissement de l’activité dans le secteur manufacturier mondial pèse sur les échanges commerciaux, qui avaient déjà commencé à ralentir au printemps 2022, comme en atteste la décélération des échanges de biens. Les perspectives du commerce mondial se sont détériorées, comme l’indiquent les données d’enquêtes relatives aux nouvelles commandes à l’exportation dans le secteur manufacturier, qui sont restées en phase de contraction en août. L’affaiblissement des perspectives de la demande et l’amélioration de l’offre ont contribué à atténuer les tensions sur les chaînes d’approvisionnement, même si elles persistent. En conséquence, le commerce mondial (hors zone euro) devrait croître de 4,6 % en 2022, de 2,7 % en 2023 et de 3,4 % en 2024, tandis que la demande extérieure adressée à la zone euro devrait être légèrement plus faible, en particulier en 2023. Par rapport aux projections de juin 2022, les perspectives du commerce mondial et de la demande extérieure adressée à la zone euro ont été révisées à la baisse pour les dernières années de l’horizon de projection. Pour cette année, toutefois, on observe une révision à la hausse, grâce à une dynamique commerciale plus forte que prévu début 2022 dans les économies avancées, en particulier au Royaume-Uni et dans les pays européens ne faisant pas partie de la zone euro.

Les tensions inflationnistes mondiales demeurent largement diffusées et élevées dans un contexte de pics des cours des matières premières, de contraintes d’offre persistantes, d’une demande toujours relativement robuste et de tensions sur les marchés du travail, mais elles devraient diminuer sous l’effet de la stabilisation des marchés des matières premières et du ralentissement de la croissance. Dans les pays de l’OCDE, l’inflation totale a légèrement fléchi, revenant de 10,3 % en juin 2022 à 10,2 % en juillet, la hausse de l’inflation sous-jacente ayant été plus que compensée par une contribution plus faible de la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires. L’inflation mondiale devrait rester élevée à court terme, du fait du niveau élevé des cours des matières premières ainsi que de fortes tensions intérieures et mondiales en amont dans un contexte de marchés du travail mondiaux tendus. Toutefois, la baisse prévue des prix des matières premières conformément aux contrats à terme, ainsi que la détérioration de la croissance mondiale, devraient atténuer les tensions inflationnistes à moyen terme.

Tableau

L’environnement international

(variations annuelles en pourcentage)

1) Calculé comme la moyenne pondérée des importations.
2) Calculée comme la moyenne pondérée des importations des partenaires commerciaux de la zone euro.

Une atténuation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et la dépréciation de l’euro devraient soutenir les exportations hors zone euro en 2022, tandis que le ralentissement de l’économie mondiale devrait peser sur les échanges commerciaux de la zone euro en 2023. Les données à haute fréquence et les indicateurs prospectifs signalent une certaine atténuation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre au deuxième trimestre 2022, après le pic exceptionnel des pénuries d’équipements et des coûts du fret maritime au premier trimestre. Après une hausse temporaire en mars et avril en raison de la guerre en Ukraine, les délais de livraison des fournisseurs ont diminué plus rapidement que prévu pendant l’été. L’allègement des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et la dépréciation de l’euro devraient soutenir les exportations hors zone euro en 2022, en dépit de l’atonie de la demande extérieure. Toutefois, le ralentissement de l’économie mondiale (cf. encadré 2) devrait peser sur les échanges commerciaux en 2023. Dans l’ensemble, la croissance des exportations a été révisée à la hausse pour 2022 et à la baisse pour 2023. La vigueur de l’activité économique au premier semestre 2022 devrait entraîner une hausse des volumes d’importations de la zone euro en provenance du reste du monde. Les exportations nettes devraient apporter une contribution neutre à la croissance du PIB en 2022, mais cette contribution serait positive en 2023 et 2024. Le compte des transactions courantes de la zone euro ne devrait toutefois pas se redresser d’ici la fin de l’horizon de projection, car les prix de l’énergie, du gaz en particulier, devraient durablement rester élevés en dépit d’une certaine modération par rapport aux niveaux actuels. La forte hausse des prix de l’énergie depuis les projections de juin implique une nouvelle détérioration importante des termes de l’échange et de la balance commerciale de la zone euro, qui ne devraient s’améliorer qu’à partir de 2023.

Le marché du travail devrait s’affaiblir à la suite du ralentissement de l’activité économique, tout en demeurant globalement relativement résistant. Après une hausse de 0,4 % au deuxième trimestre 2022, favorisée par les effets positifs de la réouverture de l’économie après la pandémie de COVID-19, l’emploi total s’établit à un niveau comparable à celui prévu sur la base de sa relation de très long terme par rapport au PIB. La croissance de l’emploi devrait être plus faible au second semestre 2022, compte tenu de la baisse de la demande de main-d’œuvre liée aux goulets d’étranglement au niveau de l’offre, de la forte inflation et de l’incertitude accrue. Elle devrait s’établir à 0,2 % tant en 2023 qu’en 2024. Même si, à court terme, on peut s’attendre à ce que les entreprises maintiennent des sureffectifs, notamment en réduisant le nombre d’heures travaillées, certains licenciements sont attendus plus tard dans le cycle. Par conséquent, après être revenu à 6,6 % au deuxième trimestre 2022, le taux de chômage devrait lentement augmenter pour atteindre 7,0 % en 2024. La hausse de la productivité par personne employée devrait chuter fortement et revenir de 3,8 % en 2021 à 1,1 % en 2022 et 0,7 % en 2023. Elle se redresserait en 2024 pour s’établir à 1,7 %, en partie à travers des effets de composition, étant donné que les licenciements concerneront des travailleurs moins productifs.

Par comparaison avec les projections de juin 2022, la croissance du PIB en volume a été révisée à la hausse de 0,3 point de pourcentage pour 2022, mais à la baisse de 1,2 point de pourcentage pour 2023 et de 0,2 point de pourcentage pour 2024. La révision à la hausse pour 2022 reflète une dynamique de croissance plus forte que prévu au premier semestre de l’année, en partie compensée par la révision à la baisse de la croissance au second semestre, résultant d’une forte incertitude, d’une baisse de la confiance, d’une inflation plus élevée réduisant les revenus réels et de perturbations de l’approvisionnement en gaz naturel dans le contexte de la guerre en Ukraine. Ces facteurs expliquent également une révision à la baisse relativement forte de la croissance au premier trimestre 2023. La croissance trimestrielle du PIB devrait commencer à se redresser à partir du deuxième trimestre 2023, mais à un rythme plus lent qu’anticipé dans les projections de juin. La légère révision à la baisse pour 2024 reflète la persistance des chocs à l’origine des révisions à la baisse pour 2023, qui empêchent un rebond plus rapide de l’activité.

Encadré 3
Un scénario baissier lié à la guerre en Ukraine et aux réductions de l’approvisionnement énergétique

Compte tenu de l’incertitude persistante entourant les perspectives économiques de la zone euro du fait de la guerre menée par la Russie en Ukraine, le présent encadré présente un scénario à la baisse. Il implique une coupure complète des livraisons de gaz russe et des flux de pétrole par voie maritime vers la zone euro, avec des possibilités limitées d’accéder à d’autres sources d’approvisionnement en gaz. Il suppose également une hausse des prix des matières premières, une forte incertitude, une contraction des échanges commerciaux et une détérioration des conditions de financement par rapport au scénario de référence. L’activité économique subirait donc des chocs négatifs plus importants et serait nettement plus faible que dans les projections de référence, la croissance du PIB étant nettement négative l’année prochaine. L’inflation serait plus élevée, en particulier à moyen terme (cf. tableau A).

Tableau A

Projections de référence de septembre 2022 et scénario baissier concernant la zone euro

(variations annuelles en pourcentage, sauf indication contraire)

Le scénario suppose que la guerre en Ukraine se prolonge longuement, ce qui implique des tensions géopolitiques persistantes. L’hypothèse est faite du maintien de tous les régimes de sanctions, ce qui entraînerait des chocs plus importants et plus durables pour la zone euro. Le scénario table sur une aggravation de l’incertitude, qui se traduirait par un ajustement substantiel des écarts de rendement des obligations d’entreprise et des marchés boursiers ainsi que par une détérioration des conditions d’octroi des crédits bancaires, tant au niveau de la zone euro qu’au niveau mondial.

Contrairement aux projections de référence, ce scénario postule l’absence de solutions de substitution pour l’approvisionnement en gaz et des solutions de substitution partielle pour le pétrole, l’absence de réponse coordonnée face aux pénuries d’énergie et un hiver exceptionnellement froid, qui provoquerait une augmentation de la demande d’énergie. Les projections de référence de septembre 2022 tablent sur une substitution substantielle du gaz russe par d’autres fournisseurs, sur l’absence de pénurie de pétrole, sur la mise en œuvre intégrale du plan de réduction de la consommation de gaz à l’échelle de l’UE et sur des conditions météorologiques hivernales normales. Le durcissement des conditions de l’offre d’énergie dans le scénario à la baisse, qui ne se rééquilibrent qu’à moyen terme, conjugué à des ajustements limités de la demande, en partie en raison de l’hypothèse de conditions météorologiques hivernales rigoureuses, conduirait à des prix de l’énergie encore plus élevés que ceux qui sous-tendent les projections de référence, mais également à un certain besoin de rationner l’énergie utilisée comme intrant dans la production. Les pays tributaires de l’approvisionnement en gaz et en pétrole russes devraient alors procéder à des réductions de la production.

Les prix de l’énergie et des matières premières alimentaires augmenteraient fortement en raison de graves perturbations de l’offre. L’interruption totale de l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe, qui ne reprendrait pas au cours de l’horizon de projection, pousse les prix du gaz à un niveau beaucoup plus élevé (53 % au-dessus du scénario de référence pour l’ensemble de l’horizon) dans un contexte de forte tension sur le marché européen du gaz (cf. tableau B). Le scénario prévoit également une brusque interruption des flux de pétrole de la Russie vers l’UE à partir du quatrième trimestre 2022, avec l’entrée en vigueur de l’embargo sur le pétrole. L’hypothèse d’une capacité limitée de la Russie à réorienter le pétrole vers les marchés mondiaux via des pays n’imposant pas de sanctions se traduit par une baisse de l’offre mondiale et une hausse des prix du pétrole à un niveau supérieur de 60 % aux hypothèses de référence à la fin de l’année. Les prix du pétrole diminueraient ensuite progressivement à partir du troisième trimestre 2023, avec le rééquilibrage du marché pétrolier, et se stabiliseraient à un niveau plus élevé de 38 % au scénario de référence en 2024. Les autres membres de l’OPEP+ sont supposés ne pas compenser le déficit lié au pétrole brut russe. En ce qui concerne les matières premières alimentaires, le scénario table sur une réduction d’environ 30 % des exportations de céréales et de maïs en provenance de Russie et d’Ukraine. La hausse des coûts de l’énergie et des prix des engrais pousse encore plus les prix mondiaux des produits alimentaires à la hausse. Le choc alimentaire s’étend jusque fin 2023 quand la pénurie est enfin progressivement compensée par d’autres approvisionnements, les prix internationaux des matières premières alimentaires se situant respectivement 24 % et 33 % au-dessus des hypothèses de référence au premier trimestre 2023 et en 2024.

Tableau B

Hypothèses dans le scénario baissier

(écarts annuels en pourcentage par rapport aux niveaux de référence, sauf indication contraire)

L’activité mondiale et les échanges commerciaux internationaux (hors zone euro) subiraient un choc négatif, qui pèserait fortement sur la demande étrangère adressée à la zone euro. Dans le scénario baissier, le PIB mondial (hors zone euro) serait inférieur aux niveaux de référence de septembre 2022, de 0,2 % en 2022 et de 1,3 % en 2023. Une guerre plus longue et plus intense, de même que toute sanction supplémentaire maintenue jusqu’en 2024, et une hausse des prix des matières premières contribueraient grandement à la baisse du PIB mondial par rapport au scénario de référence. En outre, des perturbations plus importantes des échanges commerciaux et des chaînes de valeur mondiales sont les principaux facteurs à l’origine des effets du scénario sur la demande extérieure adressée à la zone euro, qui serait plus faible de 0,7 % en 2022 et de 4,6 % en 2023 par rapport au scénario de référence. L’incertitude et les facteurs financiers constituent des éléments baissiers supplémentaires.

L’accroissement de l’incertitude économique dans la zone euro impliquerait une réévaluation significative des instruments de marché et une détérioration des conditions d’octroi du crédit bancaire. Le scénario table sur un regain d’incertitude entre septembre et décembre 2022, reflétant la poursuite du conflit à haute intensité et la dégradation de l’approvisionnement énergétique. Cela accroîtrait la volatilité des marchés financiers, ce qui serait néfaste à la confiance des chefs d’entreprise, des consommateurs et des milieux financiers. Les cours des actions baisseraient d’environ 10 % et les banques augmenteraient encore leurs taux débiteurs, de quelque 50 points de base, pour compenser la hausse de leurs coûts de financement ainsi que les pertes attendues sur leurs portefeuilles de prêts.

Dans le scénario baissier, la croissance économique moyenne dans la zone euro ralentirait en 2022 et l’activité se contracterait en 2023, avant d’entamer un rebond vigoureux, mais incomplet, en 2024. Les effets des perturbations de la production reposent sur une évaluation des possibilités de substitution des fournitures d’énergie dans l’économie[9], tandis que les autres effets macroéconomiques du scénario global ont été évalués à l’aide du modèle BCE-BASE[10]. La croissance du PIB en volume de la zone euro serait plus faible que dans les projections de référence, de 0,3 point de pourcentage en 2022 et de 1,8 point de pourcentage en 2023, plus elle se stabiliserait en 2024 au niveau du taux ressortant du scénario de référence (cf. graphique A). La croissance annuelle moyenne resterait positive en 2022, mais le PIB se contracterait fortement au dernier trimestre 2022 et au premier trimestre 2023. L’un des principaux facteurs à l’origine du profil défavorable du PIB est la perturbation de la production due à des pénuries d’approvisionnement énergétique. Avec l’atténuation de l’incidence des perturbations de l’offre sous l’effet d’une substitution progressive des intrants énergétiques et de l’ajustement économique, la récession serait suivie d’une croissance modérée du PIB, même si son niveau reste plus bas dans le scénario baissier que dans le scénario de référence à la fin de l’horizon de projection.

Un important renchérissement des matières premières entraîne de vives tensions haussières sur les prix, prolongeant la période attendue de forte inflation. La hausse des prix de l’énergie et des matières premières alimentaires ainsi que les interruptions de la production liées à l’énergie se traduiraient par une inflation globale nettement plus forte que dans les projections de référence en 2022 et, surtout, en 2023 (cf. graphique). Les tensions à la hausse plus durables envisagées dans ce scénario s’expliquent, dans une large mesure, par la persistance de trajectoires plus élevées des cours des matières premières induites par le conflit prolongé, même si elles seraient tempérées par l’effet modérateur du recul de la demande plus tard dans l’horizon de projection.

Graphique

Effet de différents facteurs sur la croissance du PIB en volume et sur la hausse de l’IPCH dans la zone euro : écarts entre scénario baissier et projections de référence de septembre 2022

(écarts, en points de pourcentage, par rapport au scénario de référence des projections de septembre 2022)

Cette analyse est entourée d’un degré considérable d’incertitude concernant l’évolution des prix de l’énergie, les possibilités de substitution et la réactivité de la demande d’énergie dans l’économie. Certaines caractéristiques essentielles du scénario à la baisse sont entourées d’une forte incertitude. Les prix des matières premières, du gaz en particulier, sont très volatils en Europe actuellement (cf. encadré 4). En outre, les effets des perturbations de la production générées par les restrictions des quantités d’énergie (rationnement) dépendent fondamentalement de la mesure dans laquelle le gaz russe est remplacé par d’autres sources de gaz, de la mesure dans laquelle le gaz peut être remplacé par d’autres intrants dans les processus de production et de la manière dont l’économie s’adapte à l’environnement des prix. Le scénario ne prend pas non plus en compte les éventuelles réponses de politique monétaire et les réactions des gouvernements qui pourraient stabiliser la production, protéger les ménages à faibles revenus et/ou atténuer la transmission de la hausse des prix des matières premières sur les prix à la consommation.

2 Perspectives budgétaires

Des mesures de relance budgétaire supplémentaires ont été ajoutées au scénario de référence depuis les projections de juin 2022. Celles-ci reflètent principalement la poursuite de la réaction des pouvoirs publics, à hauteur d’environ 0,4 point de pourcentage du PIB en 2022, face à la flambée des prix de l’énergie et au coût de la vie élevé depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Avec ces révisions, la relance budgétaire totale liée à l’énergie et à la guerre en Ukraine qui est intégrée dans les projections passe à 1,4 % du PIB en 2022[11]. Environ un quart de ces mesures de soutien, en particulier les dépenses consacrées à l’accroissement des capacités de défense et à l’aide aux réfugiés, devrait continuer d’avoir une incidence budgétaire en 2023 et 2024. Ces mesures supplémentaires introduites en 2022 et leur inversion partielle en 2023 expliquent globalement les révisions apportées à l’orientation budgétaire par rapport aux projections de juin 2022 (cf. tableau 1). Pour 2022, toutefois, des facteurs non discrétionnaires, liés à des recouvrements de recettes meilleurs que prévu au premier semestre 2022, qui dépassent les niveaux suggérés par les assiettes fiscales macroéconomiques, compensent en partie les mesures de relance supplémentaires. L’orientation budgétaire est également influencée par la hausse de la consommation et des transferts nominaux des administrations publiques, qui tient en partie à des ajustements des salaires dans la fonction publique et en particulier des retraites, ainsi que par des investissements publics légèrement plus faibles que prévu dans les projections de juin. Dans l’ensemble, après la forte expansion en 2020 et un certain resserrement en 2021, l’orientation budgétaire de la zone euro corrigée des subventions au titre du fonds NGEU devrait continuer de se durcir légèrement, en particulier en 2023, reflétant principalement le retrait du soutien mis en place pendant la crise de la COVID-19 et la réduction de l’aide apportée face aux prix de l’énergie. En 2024, l’orientation budgétaire devrait être neutre.

Le solde budgétaire de la zone euro devrait s’améliorer régulièrement jusqu’en 2024, mais moins qu’anticipé dans les projections de juin 2022. Sur l’horizon de projection, les progrès seraient essentiellement dus à la composante conjoncturelle et, dans une moindre mesure, à la baisse du déficit primaire corrigé du cycle. À la fin de l’horizon, le solde budgétaire, à -2,7 % du PIB, devrait rester bien plus dégradé qu’avant la crise (-0,7 %). Après avoir fortement augmenté en 2020, la dette publique agrégée au sein de la zone euro devrait diminuer sur l’ensemble de l’horizon de projection, pour s’établir à environ 90 % du PIB en 2024, soit un niveau toujours supérieur à celui d’avant la crise (84 %). Ce recul s’explique essentiellement par des écarts favorables entre taux d’intérêt et taux de croissance, dus à la croissance du PIB nominal, qui compenseront nettement des déficits primaires persistants, bien qu’en baisse. Par rapport aux projections de juin 2022, la trajectoire du solde budgétaire a été révisée à la baisse pour 2023-2024, principalement en raison de la détérioration de la composante conjoncturelle. Ces facteurs ont également été les principaux éléments à l’origine de la révision à la hausse du ratio de dette agrégé de la zone euro d’ici 2024.

3 Prix et coûts

La hausse de l’IPCH devrait encore s’accentuer quelque peu jusqu’à fin 2022, au-delà des niveaux déjà très élevés atteints durant l’été (cf. graphique 3). La flambée de l’inflation globale en 2022 résulte d’une forte augmentation des prix à la consommation de l’énergie (que les mesures prises par les pouvoirs publics n’ont atténué qu’en partie) et des prix des produits alimentaires, d’une nette hausse des prix des biens manufacturés hors énergie liée aux répercussions prolongées des perturbations des chaînes d’approvisionnement et des effets haussiers sur les prix des services résultant de la réouverture du segment du secteur des services à forte intensité de contacts. Ces augmentations généralisées reflètent une augmentation exceptionnelle des coûts des consommations intermédiaires qui s’est traduite dans les prix à la production, associée à une demande toujours relativement robuste jusque mi‑2022. La hausse de l’IPCH devrait commencer à se modérer progressivement au cours du dernier trimestre 2022, en raison principalement d’effets de base baissiers de la composante énergie, notamment des carburants. À partir de début 2023, les prix de l’électricité et, davantage encore, du gaz devraient également contribuer à un ralentissement de l’inflation. Les différents degrés de persistance de l’inflation entre produits énergétiques s’explique par des profils différents des prix des contrats à terme sur le pétrole et sur les marchés de gros de l’électricité et du gaz (cf. encadré 1), par la fréquence moins élevée des ajustements de prix pour l’électricité et le gaz que pour les carburants et par la diversité des mesures budgétaires d’un pays à l’autre. Afin de tenir compte de la grande incertitude suscitée par l’extrême volatilité observée récemment, en particulier concernant les prix de gros du gaz et de l’électricité, l’encadré 4 fournit une analyse de sensibilité de la progression de l’IPCH fondée sur plusieurs hypothèses sous-jacentes relatives aux matières premières énergétiques. Après une nouvelle hausse en 2022, à partir de niveaux déjà élevés, liée aux coûts des consommations intermédiaires énergétiques, des engrais et des matières premières alimentaires, à l’international et dans la zone euro, l’augmentation des prix des produits alimentaires devrait commencer à se modérer en 2023 avec l’atténuation de ces tensions sur les coûts. La hausse de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires devrait se maintenir jusqu’en fin d’année au niveau élevé atteint au troisième trimestre, en raison d’effets indirects des prix de l’énergie ainsi que des répercussions des goulets d’étranglement du côté de l’offre et de la réouverture de l’économie.

Graphique 3

IPCH de la zone euro

(variations annuelles en pourcentage)

Note : la ligne verticale indique le début de l’horizon de projection.

L’inflation globale devrait se ralentir en moyenne de 8,1 % en 2022 à 5,5 % en 2023 et 2,3 % en 2024. Ce profil d’évolution reflète, à des degrés divers, les baisses des taux de variation annuels de l’ensemble des principales composantes. Le ralentissement de la hausse des prix de l’énergie décrit ci-dessus devrait se poursuivre en 2023 et 2024, conformément aux hypothèses selon lesquelles les prix du pétrole et du gaz suivront la trajectoire baissière des courbes de leurs contrats à terme. L’incidence de ces hypothèses compenserait largement les effets à la hausse liés au retrait des mesures budgétaires temporaires en matière énergétique et à la mise en œuvre, prévue en 2023 et 2024 dans certains pays, de mesures nationales pour faire face au changement climatique. La hausse des prix de l’énergie ne devrait contribuer que très faiblement à l’inflation globale en 2024. Après l’accélération observée en 2022, la hausse des prix des produits alimentaires devrait également se modérer, du fait d’effets de base baissiers à partir de mi-2023 et de l’assouplissement des tensions haussières entraînées par l’envolée des coûts des consommations intermédiaires face aux prix élevés de l’énergie, des engrais et des matières premières alimentaires. Reflétant les effets décalés des coûts des consommations intermédiaires sur les prix à la consommation, s’agissant du gaz en particulier, la hausse des prix des produits alimentaires en 2024 devrait rester nettement supérieure à sa moyenne de long terme. La hausse de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires ne devrait ralentir que courant 2023 pour s’établir en moyenne à 3,4 % l’année prochaine et revenir à 2,3 % en 2024. Ce recul devrait faire suite à la dissipation des effets haussiers liés aux goulets d’étranglement du côté de l’offre et des retombées de la réouverture de l’économie, associés aux effets décalés du ralentissement de la croissance et à une certaine atténuation des effets indirects de la hausse des prix de l’énergie. Dans le même temps, l’inflation encore assez élevée en 2024 correspond aux effets décalés de la dépréciation du taux de change effectif de l’euro, aux tensions sur les marchés du travail et à certains effets de second tour sur les salaires. Ces derniers devraient soutenir l’inflation sous-jacente tout au long de l’horizon de projection, tandis que les marges bénéficiaires absorberaient dans une certaine mesure la hausse des coûts salariaux en 2023, avant de compenser une partie de leurs manques à gagner en 2024.

La hausse de la rémunération par personne occupée devrait être de 4,0 % en 2022, 4,8 % en 2023 et revenir à 4,0 % en 2024. Le chiffre pour 2022 est soutenu par l’effet des dispositifs de maintien de l’emploi. L’accélération de la progression des salaires entre 2022 et 2023 devrait par conséquent être encore plus prononcée qu’attendu, reflétant la robustesse des marchés du travail, les hausses du salaire minimum dans certains pays et certains effets des mesures de compensation adoptées face à la forte inflation. La hausse des coûts unitaires de main-d’œuvre devrait contribuer de manière significative à l’inflation intérieure en 2023, mais dans une moindre mesure en 2024, en raison à la fois de la modération de la progression des salaires et de l’accélération de la croissance de la productivité.

Les tensions sur les prix à l’importation devraient être bien plus marquées que les pressions sur les prix intérieurs en 2022, mais elles devraient diminuer nettement au cours des dernières années de l’horizon de projection. La forte croissance des prix à l’importation en 2022 s’explique en grande partie par le renchérissement des matières premières, en particulier de l’énergie, et par une augmentation des consommations intermédiaires importées liée aux pénuries d’approvisionnement. Elle devrait diminuer de manière significative au cours des deux prochaines années, en partie sous l’effet de la modération des prix de l’énergie.

Par rapport aux projections de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème, les perspectives d’augmentation de l’IPCH ont été révisées à la hausse de 1,3 point de pourcentage pour 2022, de 2,0 points de pourcentage pour 2023 et de 0,2 point de pourcentage pour 2024. Les révisions à la hausse découlent de l’ensemble des principales composantes, mais la révision pour 2024 résulte en grande partie de la composante énergie. Elles prennent en compte les récentes données à la hausse non anticipées, les tensions haussières plus fortes et plus persistantes exercées par les prix de l’énergie (pétrole et gaz) et les hausses des coûts des consommations intermédiaires qui y sont liées pour le secteur alimentaire, une progression plus marquée des salaires et une dépréciation du taux de change effectif de l’euro. Ces facteurs contrebalancent largement l’incidence négative de la détérioration des perspectives de croissance.

Encadré 4
Analyse de sensibilité : trajectoires différentes des prix de l’énergie

Compte tenu de l’incertitude importante entourant l’évolution future des prix de l’énergie, les conséquences mécaniques de trajectoires différentes sur les projections de référence sont évaluées à travers plusieurs analyses de sensibilité. Cet encadré examine tout d’abord les risques que des variations exceptionnelles des prix des matières premières énergétiques, sur la base des évolutions observées récemment, font peser sur les perspectives d’inflation à court terme. Il évalue ensuite l’incidence de plusieurs trajectoires choisies des prix de l’énergie sur la croissance du PIB en volume et la hausse de l’IPCH sur l’ensemble de l’horizon de projection.

Des fluctuations des prix du pétrole et du gaz conformes aux récentes variations, signalent une forte incertitude quant aux perspectives d’inflation à très court terme. La grande volatilité actuelle des prix du pétrole et, plus encore, des prix du gaz a fortement accentué l’incertitude au sujet des perspectives d’inflation à très court terme. Une volatilité à court terme de cette ampleur n’est généralement pas prise en compte par la distribution tirée des options autour des contrats à terme (cf. ci-dessous). Une méthode permettant d’évaluer une telle sensibilité à court terme consiste à envisager les extrémités supérieure et inférieure d’une fourchette pour les variations à court terme des prix du pétrole et du gaz et d’établir, ensuite, des projections d’inflation à court terme à partir de cette fourchette. La fourchette employée ici est calculée à partir des hausses et baisses mensuelles moyennes maximales enregistrées sur les marchés du pétrole et du gaz de janvier 2021 à août 2022. Les résultats sont ensuite intégrés à l’ensemble des équations relatives à l’énergie (carburants, électricité et gaz) utilisées par les services de la BCE pour leurs projections d’inflation à court terme. Sur cette période, l’augmentation mensuelle moyenne maximale du niveau des prix sur les marchés de gros a été de 22,7 euros par baril de pétrole et de 63,9 euros par mégawatt-heure pour le gaz. En supposant une hausse similaire en septembre 2022 par rapport aux hypothèses utilisées dans les projections de septembre 2022 (les prix étant maintenus jusqu’en fin d’année), l’inflation globale augmenterait de 0,2 point de pourcentage au troisième trimestre 2022 et de 1,0 point de pourcentage au quatrième trimestre (à des taux de 9,3 % et 10,2 %, respectivement ; cf. graphique). Un recul des prix correspondant à la baisse maximale des cours du pétrole en euros (17,8 euros) et des prix de gros du gaz en euros (28,0 euros) aurait une incidence de -0,2 point de pourcentage au troisième trimestre 2022 et de -0,4 point de pourcentage au quatrième trimestre (à des taux de 8,9 % et 8,8 %, respectivement).

Tableau

Trajectoires différentes de l’inflation à court terme mesurée par l’IPCH sur la base de la volatilité observée récemment sur les marchés du pétrole et du gaz

(variations annuelles en pourcentage)

Sur l’ensemble de l’horizon de projection, des trajectoires des prix de l’énergie différentes sont calculées à partir des prix du pétrole tirés des options et d’une trajectoire constante des prix. Un indice synthétique des prix de l’énergie combinant les prix des contrats à terme sur le pétrole et sur le gaz est employé aux fins de cette analyse de sensibilité. Des trajectoires différentes des prix de l’énergie, à la baisse et à la hausse, sont calculées à partir des 25e et 75e percentiles des densités neutres implicites dans les options sur le prix du pétrole au 22 août 2022 (date d’arrêté des hypothèses techniques). En l’absence de distributions similaires pour les prix du gaz, elles sont calculées à partir des 25e et 75e percentiles d’une distribution fondée sur les erreurs de projection récentes des prix des contrats à terme sur le gaz. En outre, une hypothèse de prix constants est intégrée pour les prix du pétrole et du gaz.

Les effets de ces autres trajectoires sont évalués à l’aide d’une série de modèles macroéconomiques élaborés par les services de l’Eurosystème et de la BCE et utilisés dans les projections. Les effets moyens sur la croissance du PIB en volume et sur l’inflation sont présentés dans le tableau ci-dessous. Les résultats suggèrent que les écarts à la hausse les plus importants par rapport aux projections de référence relatives à l’IPCH sont obtenus pour la trajectoire du 75e percentile pour les deux premières années de l’horizon de projection et pour l’hypothèse de prix constants du pétrole et du gaz pour 2024. Dans le scénario fondé sur la trajectoire constante, la hausse des prix mesurée par l’IPCH s’établit à 2,9 % en 2024. En revanche, dans le scénario fondé sur le 25e percentile, elle diminue à 1,6 % en 2024. L’incidence sur la croissance du PIB en volume est de -0,1 point de pourcentage en 2023 et 2024 pour le 75e percentile et l’hypothèse de prix constants, tandis que la trajectoire du 25e percentile entraînerait une croissance plus élevée de 0,1 point de pourcentage en 2023 et de 0,2 point de pourcentage en 2024.

Tableau

Effets des trajectoires différentes des prix de l’énergie

Notes : les 25e et 75e percentiles se rapportent aux densités neutres implicites dans les options sur le prix du pétrole au 22 août 2022 et, dans le cas des prix du gaz, à une distribution fondée sur les erreurs de projection récentes des contrats à terme sur le gaz. L’hypothèse des prix constants du pétrole et du gaz considère les valeurs respectives arrêtées à la même date. Les effets macroéconomiques sont déclarés comme les moyennes de plusieurs modèles macroéconomiques établis par les services de la BCE et de l’Eurosystème.

Encadré 5
Prévisions des autres institutions

Des prévisions établies pour la zone euro ont été publiées par des organisations internationales et des institutions du secteur privé. Elles ne sont toutefois pas directement comparables entre elles ou avec les projections macroéconomiques établies par les services de la BCE, dans la mesure où elles ont été finalisées à des dates distinctes. En outre, elles s’appuient sur des méthodes différentes pour le calcul des hypothèses relatives aux variables budgétaires, financières et externes, y compris les prix du pétrole et des autres matières premières. Enfin, les méthodes d’ajustement en fonction du nombre de jours ouvrés diffèrent également selon les prévisions.

Tableau

Comparaison des prévisions récentes relatives à la croissance du PIB en volume et à la progression de l’IPCH dans la zone euro

(variations annuelles en pourcentage)

Sources : MJEconomics pour le baromètre de la zone euro, 18 août 2022 (les données relatives à 2024 proviennent du baromètre de juillet 2022) ; Consensus économique, 11 août 2022 (les données relatives à 2024 proviennent de l’enquête de juillet 2022) ; FMI, Perspectives de l’économie mondiale, 26 juillet 2022 ; enquête menée par la BCE auprès des prévisionnistes professionnels pour le troisième trimestre 2022, 22 juillet 2022 ; Prévisions économiques (intermédiaires) de la Commission européenne, été 2022 ; Perspectives économiques de l’OCDE no 111, 8 juin 2022.
Notes : les projections macroéconomiques des services de la BCE indiquent des taux de croissance annuels corrigés du nombre de jours ouvrés, alors que la Commission européenne et le FMI annoncent des taux de croissance annuels non corrigés. Les autres prévisions ne précisent pas sur quelle base elles sont fondées en la matière. Les données rétrospectives peuvent différer des dernières publications d’Eurostat en raison de données publiées après la date d’arrêté des projections.

Les projections de septembre 2022 établies par les services de la BCE sont supérieures à d’autres prévisions de croissance du PIB pour 2022, mais inférieures à la plupart de ces prévisions pour 2023, tandis qu’elles sont supérieures pour l’inflation à la plupart des autres prévisions sur l’ensemble de l’horizon. Les projections établies par les services de la BCE en ce qui concerne la croissance sont légèrement supérieures aux autres prévisions pour 2022 (ce qui pourrait s’expliquer par l’inclusion des dernières révisions à la hausse des données pour le premier semestre de l’année), mais inférieures à la plupart des autres prévisions pour 2023, et sont compatibles avec les autres prévisions pour 2024. En ce qui concerne l’inflation, les projections établies par les services de la BCE sont plus élevées que la plupart des autres prévisions sur l’ensemble de l’horizon de projection, de manière très nette en 2023, probablement en raison de la date d’arrêté et d’hypothèses techniques plus récentes, qui suggèrent des tensions sur les prix plus fortes et plus persistantes et donc une inflation accrue.

© Banque centrale européenne 2022

Adresse postale 60640 Francfort-sur-le-Main, Allemagne
Téléphone +49 69 1344 0
Site Internet www.ecb.europa.eu

Tous droits réservés. La reproduction à des fins pédagogiques et non commerciales est autorisée moyennant indication de la source.

Veuillez consulter le glossaire de la BCE (uniquement disponible en anglais) pour toute question terminologique.

HTML ISSN 2529-4482, QB-CE-22-002-FR-Q


  1. La date d’arrêté des hypothèses techniques, concernant notamment les prix du pétrole et les cours de change, est le 22 août 2022. Les projections pour l’économie mondiale ont été finalisées le 15 août 2022 et les projections macroéconomiques pour la zone euro le 25 août 2022. Le présent exercice couvre la période 2022-2024. Il convient de tenir compte, dans l’interprétation de projections sur un horizon aussi long, de la très grande incertitude qui les accompagne. Cf. « Une évaluation des projections macroéconomiques établies par les services de l’Eurosystème », Bulletin mensuel de la BCE, mai 2013. Vous pouvez accéder aux données utilisées pour établir certains tableaux et graphiques en cliquant sur le lien suivant : http://www.ecb.europa.eu/pub/projections/html/index.en.html. Une base de données complète regroupant les précédentes projections macroéconomiques établies par les services de la BCE et de l’Eurosystème est disponible à l’adresse suivante : https://sdw.ecb.europa.eu/browseSelection.do?node=5275746.

  2. Après la date d’arrêté du 22 août 2022, les flux de gaz transitant par le gazoduc Nord Stream 1 ont été suspendus pour une durée indéterminée, réduisant nettement les flux de gaz de la Russie vers la zone euro. Cela représente un risque à la baisse pour les hypothèses relatives à l’approvisionnement en gaz sous-jacentes aux projections de référence des services de la BCE dans le cas où d’autres sources d’approvisionnement ne pourraient se substituer au gaz acheminé via ce gazoduc.

  3. Les dérogations prévues par cet accord supposent que les économies effectives varieront selon les pays et seront donc nettement plus faibles à l’échelle de la zone euro. Des exemptions totales ont été convenues pour les États membres non raccordés au réseau gazier européen (l’Irlande, Chypre et Malte) et des exemptions partielles accordées aux pays raccordés de façon limitée via d’autres États membres (la Belgique, l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal). Cf. Règlement du conseil relatif à des mesures coordonnées de réduction de la demande de gaz du 4 août 2022.

  4. Même si la dépendance de l’Italie à l’égard du gaz russe était du même ordre que celle de l’Allemagne avant l’invasion de l’Ukraine, les stocks italiens de gaz devraient atteindre des seuils moins critiques au cours de l’hiver à venir, grâce à une substitution effective par du gaz algérien, qui devrait se poursuivre.

  5. Les projections budgétaires ne tiennent compte que des mesures discrétionnaires déjà approuvées, à la date d’arrêté, par les parlements ou entérinées par les gouvernements, qui ont été présentées en détail et devraient être adoptées dans le cadre du processus législatif.

  6. L’épargne accumulée pendant la pandémie était particulièrement concentrée parmi les ménages les plus aisés. Cf. Dossche, M., Georgarakos, D., Kolndrekaj, A. et Tavares, F., « L’épargne des ménages pendant la pandémie de COVID‑19 et ses conséquences pour le redressement de la consommation », Bulletin économique, no 5, BCE, 2022.

  7. L’hypothèse relative aux rendements nominaux des emprunts publics à dix ans dans la zone euro repose sur la moyenne des rendements des obligations de référence à dix ans, pondérée par les chiffres annuels du PIB et complétée par l’évolution anticipée déterminée à partir de la courbe des taux des emprunts à dix ans dans la zone euro de la BCE, à leur valeur nominale, pour l’ensemble des titres, l’écart initial entre les deux séries étant maintenu à un niveau constant sur l’horizon de projection. Les écarts de rendement entre les emprunts publics des différents pays et la moyenne correspondante de la zone euro sont supposés constants sur l’horizon de projection.

  8. Le Q de Tobin correspond à la valeur d’un logement existant divisée par les coûts liés à sa construction.

  9. L’élasticité de la substitution face aux réductions de production envisagées dans le scénario baissier est obtenue en utilisant l’approche par la fonction de production de l’élasticité constante de la substitution (constant elasticity of substitution, CES) utilisée par Bachmann, R., Baqaee, D., Bayer, C., Kuhn, M., Löschel, A., Moll, B., Peichl, A., Pittel, K. et Schularick, M. dans « What If? The Economic Effects for Germany of a Stop of Energy Imports from Russia » (que se passerait-il si ? Effets économiques pour l’Allemagne d’un arrêt des importations d’énergie en provenance de Russie), ECONtribute Policy Brief, no 28, mars 2022, tel que développée dans Borin, A., Conteduca, F.P., Di Stefano, E., Gunnella, V.), Mancini, M.) et Panon, L., « Quantitative assessment of the economic impact of the trade disruptions following the Russian invasion of Ukraine » (évaluation quantitative des retombées économiques des perturbations des échanges suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie), Occasional Papers, no 700, Banque d’Italie, juin 2022. Cette élasticité concerne la possibilité de remplacer l’énergie importée par des ressources énergétiques nationales ou, plus généralement, la mesure dans laquelle les agents économiques sont disposés à réaffecter leurs dépenses liées à l’importation d’énergie vers d’autres produits.

  10. Cf. Angelini, E., Bokan, N., Christoffel, K., Ciccarelli, M. et Zimic, S., « Introducing ECB-BASE: The blueprint of the new ECB semi-structural model for the euro area » (présentation du modèle BCE-BASE : projet de nouveau modèle semi-structurel de la BCE pour la zone euro), Working Paper Series, no 2315, BCE, septembre 2019.

  11. Déduction faite des mesures compensatoires dans le domaine de l’énergie approuvées par les pouvoirs publics avant le 24 février, le soutien total en réponse à la guerre s’élève à 1,2 % du PIB en 2022. Selon les estimations, l’incidence de ce soutien serait de 0,5 point de pourcentage sur la croissance et de -0,6 point de pourcentage sur l’inflation en 2022, soit légèrement plus que dans les projections de juin. En 2023, en raison du calendrier et de la composition des mesures, l’effet sur la croissance devrait s’estomper et l’influence sur l’inflation s’inverser globalement.

Annexes
8 September 2022